Nous sommes des psychologues exerçant en libéral entre Millau et Saint-Affrique. Nous avons été solidaires ou avons participé à la manifestation nationale du 10 juin. Nous souhaitons réagir aux différents dispositifs pensés par le gouvernement : dispositif de renforcement en psychologues dans les maisons de santé pluriprofessionnelles et les centres de santé, dispositif expérimental de remboursement des séances avec un psychologue par l’assurance maladie dans 3 départements de France, prises en charge de séances de soutien psychologique dans le cadre de la crise Covid-19 pour les 3-17 ans. Il nous semble important d’informer sur ce qui motive notre désaccord voire sur certains points notre colère.
Nous saluons la volonté du gouvernement d’améliorer l’accès au psychologue en réfléchissant à des solutions. Cependant, le problème est que, les propositions actuelles ont été élaborées sans aucune concertation des psychologues ou d’instances représentatives. Elles ont donc vite montré leurs limites. Qui mieux qu’un psychologue pour parler d’un accompagnement psychologique ?
Il est primordial de souligner que ces propositions vont à l’encontre du code de déontologie des psychologues. Ce code encadre la pratique de tous les professionnels diplômés à BAC+5 quelle que soit leur orientation. En effet, il existe plusieurs approches de l’accompagnement psychologique et nous tenons à cette pluralité. Comme indiqué dans le préambule de ce code : « le respect de ces règles protège le public des mésusages de la psychologie ».
Voici quelques points relevés dans le cahier des charges transmis à l’ARS en mai 2021 par le ministère des solidarités et de la santé qui conditionnent l’accès remboursé au psychologue :
Premièrement, il y a des « critères d’exclusion » : nous sommes sceptiques sur le terme « critères d’exclusion » et la longueur de cette liste. De toute évidence de nombreuses personnes se verront refuser l’accès remboursé au psychologue. « Toute personne doit être informée de la possibilité de consulter directement le psychologue de son choix » Principe 1 du code de déontologie. Nous nous opposons vivement à une sélection à l’entrée de nos consultations. D’autant plus que ces critères excluent précisément un public présentant une souffrance psychique.
Deuxièmement, il y a l’orientation des personnes par un médecin (nommée dans le cahier des charges « adressage ») : Faut-il trouver une étiquette médicale pour venir consulter un psychologue ? Faut-il obtenir de son médecin l’autorisation de consulter un psychologue ? Nous sommes là très loin de ce qui est en jeu lorsqu’une personne adresse une demande à un psychologue. La demande adressée à un psychologue et la confidentialité qui lui est due, n’ont pas à transiter par d’autres professionnels. Le psychologue est indépendant, de par sa qualification il est un professionnel responsable et autonome.
Troisièmement, il y a la question « du remboursement et du nombre de séances » : Les tarifs proposés par le gouvernement sont indécents au regard de la formation des psychologues (dans certains cas 22€/ séance). Or, ces modalités des séances d’accompagnement proposées ne permettent pas une prise en charge de qualité (10 séances de 30 min renouvelables 1 fois). Ces propositions sont, encore une fois, très loin de la réalité du terrain. Mais, conscients des besoins, nous sommes prêts à coconstruire des solutions de remboursement des consultations. Il existe déjà de multiples dispositifs, dans lesquels les psychologues sont impliqués (MSA, palliance12...). Nous tenons également à rappeler notre solidarité avec nos collègues du service public, qui mènent des consultations remboursées. Chacun est censé pouvoir y accéder. Nous dénonçons avec eux, que le service public et plus particulièrement la psychiatrie sont démunis de tous les moyens. En tant que psychologues exerçant en libéral, nous nous opposons à être l’outil d’une solution qui masque le désistement des gouvernements successifs à doter la santé mentale des moyens qu’elle nécessite et qu’elle mérite. Il en va de la santé de chacun d’entre nous.
L’éthique est au cœur de notre pratique. Nous défendons la liberté de parole et de choix de nos patients. Nous défendons l’égalité d’accès au soin quel qu’il soit. La question des critères est pour nous « hors-sujet ». Nous défendons aussi, la légitimité de notre collaboration et de notre indépendance dans l’engagement avec les professionnels de santé. Nous travaillons déjà avec eux au sein de nos cabinets.
Pour conclure, nous sommes prêts à réfléchir à d’autres propositions afin que l’accompagnement psychologique soit accessible à tous, sans condition préalable, et dans le respect de la personne et du psychologue.
Signataires : Perrine ALBARIC, Carine BERNARDI, Florence BORNET, Monique CHASTANG, Angélique COMBES, Laurine LESEULTRE, Caroline SAVETIER, Virginie SOLIER-FRAISSENET